Ce texte est un témoignage qui se veut avant tout utile. Il est celui d'un non basque, non bascophone, non abertzale et non nationaliste. Il s'adresse à tous ceux qui lèvent un regard méfiant sur cette idée qui devrait être une évidence : Le pays doit vivre : Herriak bizi behar du !
J'écoutais d'une oreille distraite un musicien de Massilia Sound System qui causait sur France-Inter. Il disait ne pas être occitan car il était né en Italie. Par contre, il se disait occitaniste. Je crois que je suis plus ou moins dans ce même registre, mais j'aimerais aller plus loin.
Je ne peux pas dire que je sois Basque ou euskaldun (celui qui parle l'euskara) malheureusement pour moi et pour Euskal Herri. Par contre, je me sens bascophile ou basquisan et je pense que cela laisse un grand espoir et un grand espace à tous ceux qui hésitent et pensent qu'il faut absolument parler basque, être né ici et autres options qui seraient comme des conditions sine qua non à défendre la cause.
Il me parait tout à fait normal que les Basques veuillent leur indépendance. Pourquoi être choqué par cela ? On peut se poser les questions et débattre de quelle indépendance et comment y arriver. On peut effectivement bavarder sur la forme et jouer sur les mots et les concepts quand on parle d'indépendance ou d'autonomie. On peut disputer le nationalisme, la violence et tutti quanti. On peut discuter d'une éventuelle Eurorégion ou d' un département basque, mais on ne peut pas dénier à un peuple le désir profond de l'autodétermination.
Je comparerai cela avec la religion. Je m'explique. La religion (c'est-à-dire ce qui aide à se relier) et le mysticisme (c'est-à-dire, ce qui est relatif aux mystères de l'existence) sont une constante de tous les peuples du monde depuis le début de la civilisation comme le sont la philosophie, l'art, la politique, la science. Trouvez-moi un peuple qui n'ait pas sa croyance, son explication sur le monde. De même que je trouve inutile la lutte contre le sentiment religieux, je trouve naturel que chaque pays, chaque peuple même le plus petit, soit soucieux de l'intégrité et du respect qui lui est dû dans son territoire. Là aussi, on peut pérorer sans fin sur les nuances sémantiques qu'il y a entre les mots de "religion", "spiritualité", "mysticisme" ou "croyance" ça ne change pas grand chose au fait ; L'humain est un être religieux, scientifique, artiste, philosophe, politicien et amoureux de la culture qu'il a hérité de ses ancêtres et qu'il souhaite léguer à ses enfants. Ces différents domaines sont des outils qui doivent nous permettre de comprendre le monde et aucun n'est superflu. Il suffit d'écouter l'hymne basque "Gernikako arbola", pour comprendre que ma comparaison n'est pas mal à propos, lui qui mélange la spiritualité (ou religion) et la volonté d'un peuple à défendre ses fondements.
Attention, je ne veux pas dire par là que tout ce qui est inhérent à l'homme depuis toujours, tous les sentiments profonds enracinés doivent tous être conservés dans le formol. Je dis juste qu'il y a des énergies initiales qu'il serait plus juste de maîtriser ou aménager. Au 19ème siècle quelques héritiers de la tradition jacobine rêvèrent d'éradiquer la religion chrétienne. Jean Jaurès mit fin à ce débat en déclarant notamment «
la France n’est pas schismatique mais révolutionnaire… », ce qui eut pour résultat la séparation de l'église et de l'Etat, c'est-à-dire, un aménagement. Mais évidemment il convient de faire disparaître certaines absurdités dont les humains ont le secret, comme la guerre, l'exploitation industrielle des animaux, l'exploitation de l'homme par l'homme, la corrida, la domination masculine, l'homocentrisme...
Pourquoi enlèverions nous le sentiment universel d'être un peuple à part entière, aux basques aux bretons et aux corses ? Pour quelles fallacieuses raisons ne mettrions nous pas tout en oeuvre pour que ces pays aient les moyens de vivre. Que de nombreux basques ne se sentent pas français est quelque chose d'aussi naturel que le plancher qui craque lorsque l'on marche dessus. Chassez le naturel, il revient au galop. A nous de choisir le naturel que nous voulons.
Ma réflexion est actuellement en court de construction. Mais elle n'est pas aboutie non plus pour de nombreux basques qui auraient le "pédigree" idoine. Ne croyez pas qu'il suffise de parler l'euskara et d'être né ici pour pour reconnaitre Euskal-Herri. Ils sont combiens ces Basques à "pédigree idoine " qui me disent qu'il faut maintenant parler l'anglais et que l'euskara est inutile dans la société d'aujourd'hui?
Finalement, être basque, c'est une chose ; le devenir en est autre chose. J'aimerais, pour paraphraser Simone de Beauvoir qui disait : "
On ne naît pas femme, on le devient", dire à mon tour "on ne naît pas basque, on le devient".
Que l'on se sente basque ou non, quand on vit en Euskal Herri, que faire individuellement pour devenir basque et pour reconnaitre ce territoire ? Evidemment, le mieux est d'apprendre l'euskara, mettre ses enfants à l'ikastola, aller aux ikastaldi, voter pour celles et ceux qui militent pour les droits d'Euskal Herri, adhérer à une association qui travaille pour renforcer l'Euskara dans la société. Mais le moindre, quand on ne se sent pas basque s'est d'arrêter d'avoir peur de devenir euskaldun. Milan Kundera disait que "
la source de la peur est dans l'avenir, et ce qui est libéré de l'avenir n'a rien à craindre" . Et je n'ai pas peur d'un avenir avec un Pays-Basque libre (et dans un autre domaine, des ours libres dans les Pyrénées).
Qu'est-ce qu'est un basquisan, un bascophile ? Cela peut être une personne étrangère au sujet, étrangère au pays, ne parlant pas le Basque, n'étant pas né au Pays-Basque. En même temps il s'agirait de quelqu'un qui aurait levé toutes ses inhibitions face à la question basque et se serait libéré de ses sentiments de culpabilité, de susceptibilité, de persécution et de paranoïa pour reconnaitre le fait que ce pays doit vivre.
Une fois cette barrière franchie, l'arbre de Gernika - libéré du syndrome du bonzai japonais dont les bourgeons sont soigneusement coupés chaque année afin de freiner son émancipation et son developpement - pourra pousser librement. Ce petit territoire - oppressé entre ces deux nations arrogantes que sont la France et l'Espagne - pourra alors étendre ses branches naturellement et vivre dans cette Europe que j'appelle de mes voeux.
A suivre ...
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